Réfugiés ukrainiens à Bruxelles
UNE FAMILLE OUVRE SA MAISON
10 mars 2022
FUYANT LA GUERRE, DES RÉFUGIÉS UKRAINIENS SONT ARRIVÉS MASSIVEMENT À BRUXELLES CES DERNIERS JOURS. DANS UN QUARTIER RÉSIDENTIEL D’ANDERLECHT, UNE FAMILLE A ACCUEILLI UN JEUNE COUPLE ET LEURS TROIS ENFANTS. ENSEMBLE, ILS S’ÉPAULENT ET PARTAGENT LE QUOTIDIEN LES UNS DES AUTRES.
Tout le monde enlève ses chaussures avant de monter les escaliers menant au salon. La maison est grande et moderne. Les murs sont blancs, la décoration est épurée, tout est propre et rangé. Une atmosphère de quiétude règne. Pourtant, la vie est mouvementée depuis peu. Deux familles, l’une belge et l’autre ukrainienne, cohabitent. Alyona et Oleksandr sont arrivés à Bruxelles samedi 5 mars. Ils sont partis en voiture de Zolotonocha, une petite ville dans le centre de l’Ukraine à 154 km de Kiev. Leur ville n’était pas touchée par les bombes, mais la peur et le désordre régnaient déjà. Leur bébé de 7 mois est malade et ils ne trouvaient pas de médicaments sur place. Ils ont préféré partir, tout quitter, emmenant aussi leur garçon et leur fille, de 8 et 5 ans.
Valérie, la mère de famille, a les traits fatigués. Elle n’en reste pas moins joviale et accueillante. « Ils sont très discrets, très respectueux. A part le bébé qui pleure et nous réveille le matin, plaisante-t-elle. Mais ce n’est rien comparé à ce qu’ils ont vécu ».
Elle s’était inscrite sur une plateforme solidaire belge pour proposer son hébergement. Finalement, elle n’en a pas eu besoin. Avec son mari, ils louent un petit appartement au rez-de-chaussée de leur maison à un ukrainien depuis plusieurs années. Ce dernier leur a demandé d’accueillir son neveu et sa famille car il n’a pas la place chez lui.
Le couple ukrainien est exténué. « On avait une vie paisible avant. Mon mari était ingénieur électronique, moi je m’occupais des enfants à la maison. On ne s’attendait pas à ce que tout change brutalement », confie Alyona, en anglais. Oleksandr, dépité, rajoute : « Nous ne voulons pas la guerre ».
AUBERGE ESPAGNOLE
Valérie, son mari et ses deux filles participent tous activement à l’accueil des réfugiés. La fille aînée, de 22 ans, a laissé sa chambre aux deux enfants. Elle dort avec sa cadette, qui a 18 ans. Valérie a déménagé son bureau dans la salle à manger, pour que les parents et le bébé puissent dormir dans le grenier. La grand-mère leur a apporté un micro-onde et une valise pleine de vêtements. « J’ai pris une chemise, si Oleksandr a besoin d’être bien habillé pour un entretien », explique-t-elle. Le père propose à son homologue de faire du bricolage, et s’occupe parfois des enfants. Il les emmène dans un refuge pour chiens, là où l’une de ses filles fait un stage. « Ils adorent les animaux ! », s’enthousiasme-t-il. La famille belge a aussi une petite chienne blanche, Lola, qui est très énergique et câline. Elle vient se frotter à toutes les jambes, dans l’espoir de trouver un partenaire de jeu qui lui lancera sa balle de tennis mâchouillée. Les enfants ukrainiens l’adore. S’occuper d’elle leur permettent d’oublier, un instant, les animaux qu’ils ont dû abandonner.
Les deux familles partagent parfois une grande tablée, dégustent des spaghettis en discutant de tout et de rien. Ils s’apprivoisent et fraternisent. Les adultes communiquent entre eux en anglais, et se servent de Google traduction pour parler aux enfants. « La langue n’est pas une barrière », affirme Valérie. Ils s’enseignent mutuellement des petits mots de français et d’ukrainien. Le couple belge aide aussi les réfugiés dans leurs démarches administratives, pour simplifier au mieux leur quotidien. Dimanche prochain, les deux familles ont prévu de visiter ensemble le centre de Bruxelles.
Valérie aime s’occuper du bébé. Elle lui fait des grimaces, le prend dans ses bras et le berce. C’est comme s’ils faisaient tous partie d’une même famille à présent.
Heureusement, la maison est grande. Chacun conserve un semblant d’intimité. Alyona et Oleksandr mangent parfois chez leur oncle. Ils utilisent aussi occasionnellement sa salle de bain, de peur de déranger : « C’est bizarre de s’immiscer dans la vie des gens ».
GARDER ESPOIR
« Ca va le moral ? », demande la grand-mère à sa fille. Gérer tout ce monde requiert à Valérie beaucoup d’énergie. Surtout qu’elle fait du télétravail, tout comme son mari. La situation est floue, incertaine. Les Ukrainiens ne savent pas s’ils pourront retrouver leur maison, ou s’ils doivent chercher du travail. Leur vie est en suspens. « Ne vous inquiétez pas, on ne vous lâchera pas », les rassure Valérie. En s’asseyant dans le jardin, ils peuvent profiter du beau soleil, et garder espoir de retrouver une vie normale.